[Parc national du Mont Parnès, Grèce] Les vieilles légendes refont surface.

Un mois avait passé depuis que Sihat était libéré de sa cage. Il avait quitté depuis plusieurs semaines les terres du Sadjikstan. A dire vrai, il les avait quitté le soir-même de son entrevue avec Natasha. Mais l'Ancien n'était pas parti en direction de la Grèce simplement pour le beau temps qu'il pourrait y trouver.

La disparition de Melenos n'avait eu de cesse de lui revenir alors qu'il parlait à la H'mok -une nouvelle perversion des Humains pour lui-, il aurait définitivement dû faire disparaître l'espèce lorsqu'il en avait eu l'occasion. Ou du moins les limiter en nombres sur la durée. Oui, il aurait dû les limiter.

Votre billet, monsieur.

Sihat revint alors à ce qui l'entourait : une petite cabine munie de trois couchettes et une unique fenêtre donnant sur une nuit défilant à la vitesse du train de nuit dans lequel il était monté quelques heures auparavant. Dans l'encart de la porte menant sur le couloir du train, un homme aux cheveux grisonnant sous une casquette ridicule, mais visiblement obligatoire, tendait une paume ouverte vers Sihat, attendant le billet qu'il venait de demander.

Monsieur ?

L'Ancien tourna alors un visage souriant vers le contrôleur avant de se lever et d'avancer vers ce dernier au rythme chaotique des roues du wagon rencontrant de légères cabosses sur les rails. Posant une main sur l'oreille droite du contrôleur, Sihat laissa un filament d'énergie se glissa jusqu'au cerveau humain.

Tout est en règle, tu n'as pas besoin de revenir dans ce compartiment jusqu'à la fin du trajet.

Sihat retourna alors s'asseoir, le contrôleur quitta le compartiment comme si il avait obtenu ce qu'il était venu chercher.

Bon voyage, monsieur.

La porte se referma d'elle-même, laissant l'Ancien à sa tranquillité jusqu'à l'arrivée à Athènes.

Une ville qui portait le nom de l'une de ses soeurs. Pourquoi pas. Un hommage certainement, mais l'Ancien aurait certainement préféré voir figurer le véritable nom et non pas un malheureux diminutif...

Prochaine direction : la forêt au nord. Selon les guides, souvenirs et autres brochures qu'il pouvait apercevoir à la lueur naissante du Soleil se reflétant sur les vitrines de divers magasins la forêt était désormais un "Parc National".

Qu'est-ce que c'est un "Parc National" ?

Le dépit pouvait se lire sur le visage de Sihat. Dépit provoqué par une nouvelle inutilité des Humains sur Welevos. Les Naevas n'auraient jamais laissé une telle chose se produire si elles avaient toujours été présente pour la protection du temple. Sihat avait donc là un indice de la fiabilité des peuples au fil du temps : aucune.

L'ancien mit quelques heures avant d'arriver à l'orée de la forêt de Parnès. Ce qu'il découvrit fut une forêt recouverte de cendres. Des cendres récentes recouvraient la terre qui, elle-même, recouvrait des cendres de quelques années de plus. Sihat pouvait ressentir les meurtrissures qu'avait subi la forêt comme si lui-même brûlé durant plusieurs heures. Il posa alors la main gauche sur un arbre non-calciné proche de lui.

Protk Naevas, jelk ?

Aucune réponse. La nature avait-elle perdu sa langue depuis le dernier million d'années ? Une mine de plus en plus sombre, Sihat s'enfonça dans la forêt, en direction de l'emplacement du temple qu'il était venu chercher.

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Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque Antigone ouvrit les yeux qu'elle frotta vigoureusement. Elle sortit de la grotte qui lui servait de domicile et se dirigea vers une source pour aller se laver. Là une petite cascade faisait office de douche personnelle et permit à Antigone de se sentir propre et fraîche pour la journée. Alors qu'elle suivait un couple d'écureuils cherchant les provisions qu'il avaient cachés sous terre, Antigone aperçut une silhouette près d'un grand rocher. Intriguée elle s'approcha discrètement laissant les écureuils à leur fouilles "archéologiques" et commença à distinguer la silhouette qu'elle avait à peine eu le temps d'apercevoir.

La silhouette s'avéra être un homme d'environ une trentaine d'années, brun et environ 1m80. Elle se demanda que pouvait faire un humain ici car il était relativement loin des sentiers balisés utilisés d'habitude par les randonneurs. Et vu l'allure de ses vêtements et l'absence de sac, ce n'était certainement pas un campeur. Une personne qui venait enquêter sur le meurtre peut être oui ça devait être ça.

Antigone demeura néanmoins prudente, il ne fallait pas que l'homme la repère sous peine de dévoiler définitivement sa présence aux humains. Elle le suivit donc de manière très silencieuse puis elle assista à un évènement auquel elle ne s'attendait pas. L'homme posa sa main gauche sur le tronc d'un arbre et murmura quelque chose qui ressemblait à "Protk Naevas, jelk". Antigone avait reconnu le mot Naevas qui, elle le savait était l'ancien nom qui désigne son espèce mais elle ne reconnut pas du tout les autres mots prononcés par l'homme. Une chose était sûre ce n'était ni du grec, ni du naevien, la langue des nymphes qu'elle ne parlait d'ailleurs pas souvent n'ayant aucune sœur avec qui entretenir la discussion.

Alors que l'étranger s'enfonçait plus avant dans la forêt suivi de près par Antigone. Cette dernière fit craquer une brindille avec ses sabots. A ce son, elle se cacha derrière un grand chêne espérant ne pas avoir alerté l'homme par ce bruit. La tentation fut grande de regarder l'homme derrière l'arbre mais elle ne le devait pas. Si il avait effectivement entendu quelque chose et qu'il regardait dans sa direction, c'en était fini. Le stress commença à monter en elle, elle essaya de respirer calmement en récitant:

Faites qu'il parte, faites qu'il parte, Drymeras ma déesse protégez-moi

Elle n'entendit plus rien, l'homme était-il parti ou l'avait-il repéré ? La curiosité d'Antigone prit le dessus sur sa prudence, mais lorsqu'elle jeta un coup d’œil par dessus une branche, elle ne vit absolument personne : l'homme avait disparu. Antigone sortit de sa cachette pour vérifier, il s'était bel et bien évaporé. Cet homme était vraiment de plus en plus étrange, ou avait-il donc bien pu passer ?

Avec l'accord de ljd Sihat

Alors qu'il s'avançait toujours plus dans la forêt, Sihat remarqua bien rapidement des traces laissées par un Naeva forestier. Descendant directe de Drymeras, gentille fille un peu trop timide au goût de l'Anci'emor mais les conseils qu'elle donnait étaient bien souvent de bonnes mesures.

Sihat ne mit pas bien longtemps non plus à remarquer la présence de ce Naeva forestier, derrière lui. Il fallait dire qu'il n'avait pas vraiment chercher à se cacher. Il n'en avait pas l'intérêt. Il ne fit tout d'abord pas acte de cette présence qui se voulait discrète, une certaine réussite si il n'avait pas été un Anci'emor. Jusqu'à ce qu'une brindille craque sous le sabot Naevien. Il esquissa un sourire alors que son corps se transformait une nouvelle fois en un trait d'énergie et qu'il se "reconstitua" derrière... Une Naeva. Ainsi, c'était une femme du peuple forestier, bien plus intéressante que leurs congénères masculins.

En revanche, la phrase aux allures de prière de la Naeva interpella Sihat plus encore que le sexe de sa nouvelle interlocutrice.

Dry, une déesse ? Il va falloir que tu revois ton histoire, jeune fille.

Il n'avait pas bougé alors que la Naeva semblait le chercher là où il se trouvait juste avant. Il s'avança finalement à la rencontre de la jeune fille.

Une gentille fille, c'est certain. Mais elle était bien trop timide pour se faire appeler "Déesse".

Il était désormais juste en face de la Naeva, le souffle de sa respiration allant s'échouer sur la Naeva alors que son sourire s'étendait de plus en plus sur son visage.

Tu lui ressembles un peu. Le corps animal en plus, ça te donne un certain style. Depuis quand avez-vous ça ?

Le fait qu'il était en face d'une descendante de Drymeras lui en fit même oublier de se présenter, après tout, leurs histoires étaient liées. En quelques sorte.

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Lorsque l'inconnu réapparut juste en face d'elle, Antigone sursauta de terreur. Elle se recula précipitamment mais son flanc heurta l'arbre derrière lequel elle s'était cachée quelques secondes plus tôt et elle tomba par terre dans les feuilles mortes. Antigone ne sut ce dire ce qui la terrifiait le plus, son sourire carnassier, le fait qu'il venait disparaître et de réapparaître de façon complétement déroutante, ou plutôt le fait qu'il semblait connaître des choses sur elle et sa race. Devant cet homme effrayant, Antigone ne réussit qu'à balbutier des propos incohérents.

Mais ... que enfin qui ... non ... comment ???

Puis elle finit par enfin retrouver ses esprits pour aligner une phrase correcte

Ne vous approchez pas !! Ne me touchez pas !!!

Bien entendu l'homme n'avait esquissé aucun geste à son encontre mais Antigone était terrifié à l'idée qu'un humain l'ait découverte qu'elle préféra prévenir d'entrée de jeu l'inconnu. Elle regrettait cependant de ne pas avoir emporté sa dague ce matin mais elle avait sa flûte de pan au cas où les choses tourneraient au vinaigre.

Que faites vous-ici et surtout comment connaissez-vous le nom de ma déesse, comment osez-vous en parler aussi vulgairement, aussi familièrement ??!

Elle commença à porter la flûte à ses lèvres.

Répondez-moi ou je vous jure que vous ne repartirez pas de cette forêt ce soir !!

La réaction de peur de la Naeva surpris Sihat. Elle ne semblait pas savoir qui il était, pis encore, elle semblait le prendre pour un Chimpanzé !

Lorsqu'elle porta une flûte de pan à ses lèvres, l'Ancien reconnut immédiatement l'instrument favori de Drymeras.

Jeune Naeva, comptes-tu réellement menacer celui qui a offert sa première flûte à Drymeras ?

Voilà pour la confirmation de la connaissance de la "déesse". La suite surprendrait surement plus encore la terrorisée. Ce qui, inévitablement, ravi Sihat, ravissement qui pouvait se discerner dans la flamme qui s'alluma dans son regard -au sens figuré hein, vous vous imaginez vous avec une vraie flamme dans les yeux ? Je suis sur que même Sihat le supporterait pas !-.

Si ton peuple n'a pas totalement perdu le fil de son Histoire, alors tu réagiras peut-être à mon appellation : Sihat Gentien.

L'Ancien tendit alors une main vers la Naeva, toujours au sol.

Je ne suis pas venu ici en ennemi. Je suis simplement venu récupérer une chose m'appartenant dans le temple de cette forêt.

Après une seconde de réflexion, il ajouta une petite pique.

Au cas ou tu douterais encore, je ne suis pas un Chimpanzé. Et tu ne devrais pas te cacher d'eux.

Cette fois, le sourire qui se dessina sur le visage de Sihat se voulu plus compatissant. Il connaissait parfaitement ce qui avait pu pousser la Naeva à se dissimuler aux yeux de ceux qui devraient la vénérer, mais la raison de cette connaissance ne ferait pas l'objet de discussion.

Je t'ai donné mon nom, quel est le tien, Naeva ?

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Lorsque que l'étranger mentionna à nouveau le nom de sa déesse en racontant que c'est lui qui lui avait donnée sa première flûte de pan, Antigone fut complétement déboussolée. Ces paroles n’avaient absolument aucun sens, comment un humain pouvait-il connaître à ce point sa déesse bien-aimée, comment pouvait-il en parler de manière aussi familière presque comme une sœur ou une fiancée. Soit c'était un très bon menteur, soit ce n'était pas un humain mais quelqu'un de très ancien qui se tenait en face d'elle.

Finalement l'homme se présenta sous le nom de Sihat Gentien, et selon lui ce nom devait être connu des Naevas. Pourtant Antigone n'avait jamais entendu ce nom avant ni dans les histoires de ses parents, ni dans les anciens livres. Était-il une sorte de dieu oublié de son espèce ? Non c'était impossible, absolument impossible. Ensuite il parla d'un temple qui était selon lui caché dans cette forêt, ce qui était là encore impossible. Elle avait parcouru la forêt pendant plus de 1500 ans et n'avait vu aucune trace d'un quelconque temple. Sihat tendit la main à Antigone mais celle-ci la repoussa avec véhémence.

Il n'y a absolument aucun temple dans cette forêt pas plus que la mention d'un nom comme le vôtre dans notre histoire. Vos propos sont complétement ridicules, partez tout de suite ou les écureuils de cette forêt se chargeront de vous !!

Mais l'étranger ne sembla pas vouloir partir, il était au contraire très confiant et il souriait. Il révéla alors qu'il n'était pas un chimpanzé comme elle semblait le croire mais Antigone ne savait pas ce qu'était un chimpanzé. Était-ce ainsi qu'il appelait les humains dans sa langue ? Ça expliquerait bien des choses. Mais pourquoi disait-il qu'elle n'avait pas à se cacher des humains ?

Vous êtes complétement fou ?!! Vous parlez de ma déesse comme si c'était une sœur, vous prétendez qu'il existe un temple caché dans ma forêt, vous dites que je ne dois pas me cacher des humains, ça n'a absolument aucun sens !!

Puis le dénommé Sihat lui demanda son nom, Antigone malgré ses réticence et son extrême méfiance à l'égard de l'étranger se présenta quand même

Je m'appelle Antigone, et je suis la dernière Dryade de cette forêt, si votre intention est de lui nuire, sachez-ceci : tant qu'il me restera un souffle de vie je la défendrai corps et âme contre tout ennemi qu'il soit humain ou non.

La Naeva semblait réellement être perdue. L'Ancien ne pouvait pourtant être plus précis sans qu'elle ne le prenne pour un fou. Etait-ce d'ailleurs déjà le cas ? Voilà une chose qui serait pour le moins amusante ! Il se remémorait pourtant parfaitement de l'état dans lequel il avait quitté cette forêt et son temple quelques siècles avant de se faire enfermer.

L'endroit était luxuriant, puisant sa protection contre les plus grandes menaces de ce que renfermait le temple. la forêt s'étendait alors sur plusieurs centaines de milliers d’hectares : un océan forestier à proprement parler ! Au centre de cet océan se trouvait le temple de Val'noc, l'un des temples principaux du temps de Sihat. Qu'il soit tombé aujourd'hui dans les limbes de Parsten laissa un léger goût d'amertume chez l'Ancien.

En vérité, Dry et ses soeurs étaient mes conseillères. Mais il est vrai qu'elles étaient pour moi comme des soeurs. Ce qui est l'une des raisons qui m'a poussé à leur confier la protection du temple de Val'noc. Au coeur de cette forêt. Mais je vois que vous vous êtes perdues en route, Naevas.

L'information qu'Antigone, ainsi était-elle nommée, donna par la suite à Sihat le perdit. Il n'avait jamais entendu parler de "Dryades" par le passé, encore moins pour des Naevas. Les sourcils se froncèrent alors que le front de l'Ancien prenait quelques rides d'expression accompagnant ce froncement.

Depuis quand les Naevas se font appeler "Dryades". Ce nom est d'une laideur toute particulière.

Il contourna ensuite Antigone par la gauche avant de s'arrêter et de tourner la tête vers cette dernière.

Alors, jeune fille, souhaites-tu découvrir ton Histoire ?

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Antigone resta bouche bée face aux paroles de Sihat. Drymeras, sa déesse, conseillère de cet homme ; cela paraissait dur à croire. De plus lorsqu'il évoquait les sœurs de Drymeras, voulait-il dire Nayares et Ouranis, les autres déesses du panthéon vénéraient par ses rivales. Cela paraissait dur à croire mais pourtant il paraissait si sincère et Antigone ne voyait pas quelle raison il aurait eu d'inventer une histoire aussi farfelue.

Mais alors si ma déesse vous servait en tant que conseillère, cela fait-il de vous un roi, un être divin surpuissant ?

Mais alors si il savait tout de son espèce et du panthéon divin qui la régissait, pourquoi l'appelait-elle tout le temps Naevas et pas Dryade. D'ailleurs Sihat ne manqua pas d'afficher son dégoût à la prononciation du mot Dryade. Elle devait visiblement clarifier certaines choses.

Arrêtez de m'appeler Naevas, ce mot que vous utilisez est maintenant devenu obsolète et n'est pour nous qu'un lointain fragment de notre passé. Aujourd’hui il n’y a plus que des Dryades, des Naïades et des Ouranies, chaque espèce servant sa déesse respective. Les Naevas n'existent plus depuis le temps ou nous nous sommes séparés définitivement pour vénérer tranquillement nos déesses respectives sans que les autres ne viennent pour haranguer avec leurs stupidités religieuses sur le fait que leur déesse mérite plus de considération que la nôtre. Pour beaucoup maintenant les mot Naevas est un synonyme de honte, veuillez ne plus l'employer devant moi.

Puis l'homme tourna sa tête vers elle et l'invita à la suivre pour selon lui connaître son "Histoire".Antigone tiqua légèrement lorsque Sihat l'appela jeune fille

Jeune fille ? Sachez que j'ai eu 1691 ans le mois dernier,je suis une adulte tout ce qu'il y a de plus aboutie. Ne vous laissez pas berner à ce point par mon apparence juvénile. Mais soit, j'accepte de vous suivre.

Après une brève pause elle rajouta :

Pour le moment ...

La "Dryade", non définitivement ce nom sonne vraiment mal, eut des mots qui déplurent fortement à l'Ancien. Une telle ignorance de sa propre histoire était le signe premier du déclin d'une espèce. Le seconde signe était sa fragmentation, visiblement arrivé lui aussi. Enfin, le dernier signe était une guerre fratricide au nom d'une folie quelconque d'un très faible nombre de représentant de cette espèce. En cours d'après ce qu'Antigone expliquait à Sihat.

Lorsqu'elle ajouta son âge "avancé", l'homme ne put retenir un rire.

Jeune fille, car c'est ce que tu es pour moi. J'ai vécu bien avant tes "déesses" qui n'étaient en rien ennemies. Elles étaient sœurs. Toutes trois mes conseillères pendant un temps. Elles doivent se retourner dans leurs tombes en voyant ce que vous avez fait de leur peuple. Un seul peuple, les Naevas. Ce mot signifie "Prophète", nous sommes loin de l'interprétation actuelle que tu en fais, Antigone.

Sihat avait cependant repris sa marche en direction de l'emplacement du temple. Continuant à deviser avec la Naeva.

Il fut un temps où une seule d'entre vous aurait pu protéger cette forêt des incendies, inondations et autres catastrophes. Naturelles ou non, d'ailleurs. Qu'est-ce qui vous a fait vous séparer ? Cette histoire de "déesses" n'est qu'une excuse, j'imagine, on ne peut renier son passé ainsi.

En effet, l'Ancien était pour le moins "pro-souvenirs", érigeant ses derniers au même rang que l'étaient les Esprits Elémentaires. Il s'arrêta à l'instant même où une onde le traversa de part en part.

Nous y sommes. Le temple de Val'noc.

Il devait se trouver exactement à cet endroit. Pourtant, il ne vit rien d'autre que des arbres à moitié morts.

Je vois... Je comprend mieux, maintenant.

En prononçant ces paroles, il s'était retourné vers la dryade qui l'avait suivi. Il lui offrit un sourire dont il avait le secret, l'un de ceux qui signifiait "Ta vie va changer dans les prochaines minutes. N'aies pas peur de ce qui va suivre." Et avant même de laisser le temps à Antigone de faire quoi que ce soit, il lui tourna le dos et plongea les bras dans la terre comme si il n'y avait rien.

L'Ancien déploya une grande partie de son énergie pour aller chercher le temple enfoui sous la forêt depuis bien trop longtemps. Une fois qu'il le trouva, il dirigea son énergie de manière à englober le temple et le soulever hors du sol afin qu'il retrouve sa place ancestrale.

Une fois son oeuvre achevé, après plusieurs dizaines de minutes d'effort, presque une heure même, Sihat se laissa tomber au sol, victime d'une sensation qu'il avait pratiquement oublié : l'épuisement.

Au dessus de lui se dressait désormais fièrement le temple de Val'noc, gardien de la forêt environnante, prison de Merzaq, lieu de culte des Naevas des temps anciens. Un temple taillé à même la roche, mais pas n'importe laquelle, une roche qui pouvait bloquer les énergies, y compris celle de Sihat. De la jadéite. De quoi croire à un reflet de la forêt sur les pierres du temple, mais non. Finalement, l'Ancien se releva et se mit à gravir la vingtaine de marches menant à l'entrée du temple. D'un geste de la main, il éclaira l'entrée sombre grâce à un système survivant de pierre incandescente, dévoilant ainsi des fresques relatant quelques parties de l'Histoire Naevienne durant le règne de Sihat.

Voici le temple qui n'existe pas, jeune Naeva.

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[Décidément cet homme était de plus en plus mystérieux, il expliqua à Antigone que il y a très longtemps, les trois déesses du panthéon Naeva étaient ses conseillères et que le nom de son peuple signifiait prophète dans sa langue originelle. Il ne comprenait pas pourquoi son espèce s'était divisée, s'était déchirée et isolée de cette manière. D'après Sihat, les anciennes Naevas étaient beaucoup plus fortes, beaucoup plus sages que leurs descendances d'aujourd'hui. Même si Antigone trouvait qu'il avait un sacré toupet de parler ainsi de sa race, force était de constater qu'il avait raison, peut être les Naevas avait-elles plus perdu que ce qu'elles pensaient.

Vous avez probablement raison sur certaines choses, mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi je n'ai jamais entendu votre nom avant si vous étiez aussi important dans notre société. J'ai pourtant lu beaucoup de nos anciens ouvrages mais aucun ne vous mentionne. Vous aurait-on effacé purement et simplement de notre histoire ? Est-ce possible ?

Elle ajouta ensuite

C'est bizarre quand j'y pense, je suis sensé haïr les Naïades et les Ouranies alors qu'elles sont mes soeurs, que nous descendons des mêmes ancêtres. Ah si seulement notre transition s'était mieux passé, nous aurions pu alors nous différencier sans pour autant nous détester. Mais vous, existe-t-il d'autres personnes comme vous ou avez -vous suivi le chemin de la destruction lente et sure vous aussi.

Mais déjà, Sihat et Antigone arrivaient dans un lieu que la Dryade connaissait très bien, elle s'étonnait toujours de cet endroit car il attirait bizarrement le chaos : les animaux évitaient au maximum cet endroit, les arbres qui y poussent devenaient rapidement malades et mourraient et ce lieu avait souvent été le théâtre de conflits entre humains : qu'il s'agisse de deux armées de cités grecques au cours de l'Antiquité ou de combats entre maquisards grecs et soldats allemands dans une période plus récente. Était-ce là l'emplacement du fameux temple ?

Mais il n'y a absolument rien ici !

Pourtant lorsque Sihat plongea ses mains dans le sol pour littéralement déterrer le temple grâce à une puissante énergie, Antigone en resta bouche bée. Ce temple avait été là depuis surement des millénaires voire plus encore et elle ne s'en était jamais aperçu. Un véritable temple entièrement fait en jadéite caché à son nez et à ses sabots, elle n'en revenait pas. Elle n'eut pas le temps de s'extasier que déjà Sihat grimpa les marches du temple et entra à l'intérieur. Antigone le suivit puis le vit allumer l'entrée grâce à des pierres magiques qu diffusait ne douce lumière.

Mais je connais ces pierres, j'en ai ramassé pleins des comme ça éparpillés autour de la forêt, c'est donc à ça qu'elle servaient. C'est incroyable.

Mais plus incroyable encore étaient les fresques révélaient par la lumière qui contait l'histoire du peuple Naeva. Les trois déesses, les fêtes et célébration, la vie quotidienne, tout y était même ... Sihat !! Il disait vraiment la vérité après tout, Antigone s'en voulait quelque peu de l'avoir pris pour un demeuré.

C'est magnifique, regardez ce sont les célébrations que faisaient les Naevas tous les ans. Il y a la fête du printemps, la fête de l'été, celle de l'automne de l'hiver pour la terre ; Ça c'est la fête des grandes marées d'équinoxe d'automne et de printemps pour l'eau et ça c'est la fête des cieux pour l'air. Je me souviens il est vrai que les Ouranies n'ont qu'une fête durant l'année mais c'est la plus belle et la plus longue parait-il.

Elle rajouta en soupirant

Comme j'aurai aimé vivre à cette époque mais peut être n'est il pas trop tard pour bien faire.

L'exaltation de la Naeva tira un sourire à Sihat, après tout il restait peut-être un peu de ce qu'était ce peuple avant leur séparation. Mais, alors qu'il s'enfonçait dans le temple comme si il l'avait fait chaque jour d'une vie humaine, Antigone semblait se perdre devant les représentations murales.

Jeune fille, je laisserai le temple en surface. Tu auras tout le temps d'examiner plus avant mes peintures. Pour l'heure, suis-moi, j'ai bien d'autres choses à te montrer.

Il se dirigeait vers la plus haute salle du temple, la chambre lunaire. La pièce était ouverte en son centre sur le ciel, permettant certaine nuit d'entrer en contact avec Melenos, l'une des deux lunes de l'époque, disparue aujourd'hui. Un diamant rouge de la taille d'une tête de Nain permettait ce dialogue et les Naevas en furent les gardiennes pendant bien des millénaires.

Lorsque Sihat poussa la lourde double-porte de cette pièce, il resta figé dans l’entrebâillement pendant quelques minutes.

Où est-il ? Où est le catalyseur ?

Il entra finalement dans la pièce, renversant les tables, chaises et autres étagères comme si la pierre avait pu rouler dessous... Bien évidemment, il ne trouva rien, laissant par la même occasion la pièce dans un état bien plus piètre qu'à son entrée.

Finalement, il se tourna vers Antigone, concentrant l'énergie qu'il lui restait après la sortie du temple pour diriger cette dernière vers la gorge de la Dryade et l'enserrer dans un étau.

Où est la pierre ?

Dans son accès de colère, il ne faisait même pas attention à l'efficacité de son étau, ni même si le peu d'énergie qu'il avait réussi à réunir était suffisante pour maltraiter la Dryade. Il s'en fichait, plus exactement.

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Antigone était tellement émerveillée par les richesses du temple qu'elle en oublia presque Sihat. Ce dernier la rappela gentiment à l'ordre disant qu'il y avait plus important ici que ces peintures. Antigone lui emboîta donc le pas pour arriver dans une salle magnifique dont le centre possédait une ouverture sur le ciel. Un planétarium ? Un lieu de communion ? Une étude ? Antigone imaginait toutes les hypothèses sur la mystérieuse fonction de la pièce, tandis que Sihat ouvrait une lourde double-porte un peu plus loin.

Là il resta un moment figé dans l’entrebâillement de la porte puis commença à saccager la pièce, à retourner les tables, vider le contenu des étagères. Visiblement il cherchait quelque chose et celui-ci ne se trouvait pas ou il le pensait.

Vous avez perdu quelque chose ?

Après avoir retourné l'intégralité de sa pièce et sans prêter attention à la remarque de la Dryade, Sihat pris d'un accès de folie, commença à étrangler Antigone à distance. Celle-ci se débattit furieusement pour échapper à son emprise. Elle essaya de protester d'une voie à demi-étouffée :

Mais ... qu'est ce que vous ... faites, Lâchez moi !!!

Où est la pierre ?

Je ne sais ... pas ... de quelle ... pierre ... vous voulez ... parler. Suis ... jamais ... venu ... dans le temple.

Alors qu'elle commençait à avoir du mal à respirer, Antigone attrapa plusieurs objets sur une table et se mit à les lancer de toutes ses forces en direction de Sihat. Peut être allait-il les bloquer ou les éviter mais ça pourrait permettre une diversion pour qu'il relâche sa prise sur Antigone. Et dès lors, elle n'aurait plus qu'a sortir sa flûte de pan pour lui montrer toute l'étendue des pouvoirs d'une aède de Drymeras.

Ce fut lorsqu'un livre vint le percuter de plein fouet que l'Ancien perdit le contrôle de son énergie. Plus affaiblit qu'il ne le pensait par la sortie de terre du temple, Sihat ressemblait plus actuellement à un simple humain qu'à un Anci'emor.
Il ne sentit d'ailleurs pas le sang coulant de son nez alors qu'il avait maintenu les dernières bribes de son énergie en un étau contre la Dryade.

Trouve cette pierre, Dryade. Trouve la maintenant ou je laisse ce temple aspirer toute la vie de ta précieuse forêt et je me ferai ensuite un plaisir de trouver chaque membre de ton peuple pour détruire tout ce qu'ils possèdent avant d'offrir leurs têtes aux Naïades et aux Ouranies.

Dryade. Il l'avait appelé Dryade et non plus Naeva. Ce peuple ne représentait désormais plus rien pour lui. "Honte" était finalement bien minime par rapport à ce que les descendantes des Naevas originelles étaient devenues. Des voleuses, des menteuses. Elles étaient devenues les Traîtres à leur propre peuple.

Je te laisse jusqu'au couché de Solinor. Pas une minute de plus.

Sihat tenta de faire un pas vers la sortie de la pièce, sans y parvenir. Il vit le sol se rapprocher à grande vitesse tout en ressentant son corps changer de forme, passant de l'état d'un corps humain tout ce qu'il y avait de plus solide à un état plus proche de la brume matinale comme celle que l'on pouvait voir dans les forêts les plus hautes.

Sihat Gentien...

Ce n'était pas un cri que l'Ancien venait d'entendre. C'était plus... Comme un écho. L'écho d'une époque révolue mais pourtant bel et bien une voix que Sihat connaissait. Il ne savait pas cet appel résonnait simplement dans son esprit ou dans le temple lui-même, il n'était d'ailleurs pas vraiment en état d'y réfléchir. Son corps continuait à s'amuser à passer d'un état à l'autre, montrant bien là l'épuisement de l'Ancien.

Rejoins-moi...

Rejoins Melenos...

Melenos...

Sihat ignorait désormais la présence de la Dryade. Il se releva, toujours victime de l'énergie se renouvelant à travers son corps. Il en aurait encore pour un moment, il lui faudrait s'y faire ou aspirer la vie de quelques centaines de Chimpanzés, sauf qu'il n'en avait pas sous la main. Aussi se contenta-t-il de suivre l'écho dans les couloirs du temple.

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L'un des projectiles qu'avait Antigone atteignit Sihat et son nez se mit à saigner. Antigone sentit que l'étau de Sihat se desserra et elle en profita pour attraper sa flûte de Pan.

Je vous conseille d'arrêter cette folie immédiatement si vous ne voulez pas endurer le courroux de la nature !

Trouve cette pierre, Dryade. Trouve la maintenant ou je laisse ce temple aspirer toute la vie de ta précieuse forêt et je me ferai ensuite un plaisir de trouver chaque membre de ton peuple pour détruire tout ce qu'ils possèdent avant d'offrir leurs têtes aux Naïades et aux Ouranies.

Si jamais vous osez faire du mal à cette forêt ou à mes semblables, espèce de monstre je vais vous ... vous ...

Antigone n'arrivait pas à prononcer le mot. Trop de mauvais souvenirs lui revenait en mémoire, tous ces gens qui avaient fait du mal à sa forêt et qu'elle avait tué en son nom. Pourtant Sihat n'était pas différent des autres, il risquait très fortement de mettre ses menaces à exécution. Mais elle n'arrivait pas à s'y résoudre, il avait été si gentil, si souriant, pourquoi était-il aussi haineux, aussi froid ; pourquoi la rendait-elle responsable de la disparition de la pierre. Ramener la pierrre avait-il dit ; encore fallait-il savoir ou elle se trouvait.

Je te laisse jusqu'au couché de Solinor. Pas une minute de plus.

Mais combien de fois faut-il que je vous le répète. Je n'ai jamais mis les pieds dans votre temple et je n'ai pas volé cette pierre dont j'ignore à quoi elle ressemble.

Alors qu'il allait s'en aller en direction d'une autre pièce, il se passa un évènement étrange : Sihat tomba et resta par terre sur place comme figé et se mit à adopter une forme brumeuse et à l'alterner avec sa forme physique. Antigone sentait que l'atmosphère de la pièce avait changé mais elle ne sut pas dire pourquoi. Elle s'approcha de Sihat qui semblait naviguer entre deux mondes, et se planta face à lui. Il n'avait absolument plus aucune conscience de la présence d'Antigone ni de son environnement. Puis il se mit à murmurer un mot,se releva et avança dans les couloirs du temple. Antigone sursauta à cette réaction mais constata qu'il semblait toujours dans cette mystérieuse transe hypnotique.

Mais enfin où allez-vous ?

Aucune réponse. Antigone décida de suivre Sihat mais pas sans une arme en plus de sa flûte de pan. Elle trouva une lance dans le désordre laissé par Sihat qui semblait de facture Naeva, du moins les motifs ne lui étaient pas étrangers. Lorsqu'elle la prit en main la lance s'illumina au niveau de la pointe exactement comme les pierres magiques du temple. Mais elle ne s'extasia pas longtemps devant ce prodige et partit sans traîner à la recherche de Sihat qui avait déjà disparu dans le couloir

L'avancée de Sihat dans les profondeurs du temple se fit à l'aune Parisienne. Les couloirs défilaient autour de lui comme un songe alors que ces murs pouvaient presque parler. Expliquer son histoire, ce vers quoi il s'avançait : le dragon Merzaq.

Mais Merzaq n'était pas n'importe quel dragon dont les écailles noires pouvaient laisser supposer une appartenance au Néant. Il était l'un des Avatars de l'Esprit du Néant. Il pouvait parler en son nom et parfois même envoyer certaines des personnes en face de lui rejoindre son maître. Bien sûr, Merzaq ne s'était pas retrouvé sous le temple de Val'noc par un concours de circonstances malheureuses. Il y avait été enfermé par Sihat, comme les représentations sur les murs pouvaient le montrer, car il avait tenté de combattre l'Anci'emor et lui reprendre ce qui lui avait été offert par Melenos : la Paix.

Sihat marchait dans le dédale des couloirs sombres comme s'il avait bâti lui-même le temple. Sa conscience, pourtant, s'arrêter à ce dédale et l'ancien n'avait pas remarqué la Dryade qui le suivait dans ce qui semblait être un mélange de peur et d'un ancien respect ancré dans ses gènes pour l'Anci'emor qu'elle même ne devait sans aucun doute avoir bien du mal à s'expliquer. Il aurait pourtant suffit à la Dryade de regarder les murs du temple avec attention, passant par delà leur première apparence, pour se rendre compte que déjà à l'époque d'Obalte les Naevas vouaient un respect profond et inconditionnel à l'Ancien.

Conseillères. Guerrières. Portes-paroles. Les Naevas pouvaient se vanter d'être, durant une courte période du moins, le peuple le plus important de Welevos. Mais cette période était dorénavant révolue et, alors que devant nos deux protagonistes se dessinait l'entrée d'une grotte sans fin éclairée par ce qui semblait être un soleil artificiel, Sihat se dresserait bientôt en destructeur du peuple qui l'avait trahi et abandonné.

Tu t'es enfin décidé à revenir dans le monde des vivants, Sihat. Bien.

Sihat s'était arrêté, au contraire de son manque visible de contrôle sur son énergie, sur une plateforme longiligne s'élevant au dessus d'une ville souterraine désertée depuis des milliers d'années. Sur le bâtiment le plus haut se dressait fièrement Merzaq qui, malgré sa taille considérable n'atteignait pas le plafond de la grotte.

Bienvenue à toi aussi, Antigone.

Dans une inspiration profonde, comme si l'Ancien avait retenu sa respiration depuis la salle de discussion avec Melenos, Sihat put enfin reprendre une forme permanente. Son énergie se restaurant à nouveau d'elle-même maintenant qu'il se trouvait éloigné de la jadéite du temple.

Merzaq. Comment peux-tu connaitre cette enfant sans avoir quitté cette grotte ?

Il est simple pour moi de suivre tes servantes lorsqu'elles sont seules. Mais laisses-la donc t'expliquer ce que sont devenus ses frères et soeurs.

Nombre de Messages : 16 Espèce : Dryade

Cela faisait déjà plusieurs minutes qu'Antigone trottait tranquillement derrière Sihat qui continuait à avancer dans les couloirs du temple toujours à osciller entre deux formes. Il arrivèrent bientôt dans une vaste caverne dans laquelle se trouvait une immense ville souterraine et Antigone en eut le souffle coupé. Elle aurait pu rester émerveillée ainsi pendant des heures si l'apparition d'un gros dragon noir sur l'un des bâtiments les plus hauts de la ville ne s'était produite. Alors que Sihat se tenait sur une longue plate-forme qui surplombait l'intégralité de la ville, Antigone entendit la voix du dragon dans son esprit qui résonnait comme un grondement venu des entrailles de la terre.

Tu t'es enfin décidé à revenir dans le monde des vivants, Sihat. Bien.

Antigone était morte de peur devant cette énorme et puissante créature et cela n'allait pas s'arranger car la bête venait de tourner sa tête vers elle en déclarant :

Bienvenue à toi aussi, Antigone.

Lorsque le puissant dragon s'adressa à la dryade, celle-ci eut la même réaction que lorsque Sihat l'avait surprise dans la forêt. En parlant de Sihat celui-ci semblait être revenu définitivement à sa forme physique et toisait à présent le dragon ; sans doute était-il en train de communiquer avec le dragon par le biais de son esprit.

Eh bien ?! On a perdu sa langue jeune Dryade ?

Ne me mangez pas !! Pitié !!!

Te manger ? Ah !! Il est vrai que je n'ai pas fait un bon repas depuis une éternité surtout que tu as apporté un très joli cure-dents ou cas où tes restes seraient coincés entre mes crocs mais sois tranquille tu n'as rien à craindre de moi pour l'instant.

Antigone n'en était pas rassurée pour autant néanmoins elle ne put s'empêcher de poser des questions au dragon. Des questions qui lui brûlait les lèvres.

Mais qui êtes vous ? Et comment connaissez-vous mon nom ?

Le dragon eut un petit rire poli avant de de s'exclamer :

J'ai pour nom Merzaq et je suis un serviteur du Néant et sache que je garde un œil sur toi depuis que tu as trouvé le catalyseur

Le quoi ?

Une pierre rouge dont l'éclat n'est à nul autre pareil sur ce monde. Depuis que tu es la seule Dryade de cette forêt il normal que je sache tout de toi : tes pensées, tes souvenirs, tes sentiments, tes peurs. Je lis en toi comme dans un livre ouvert, tu n'as aucun secret pour moi.

Encore cette histoire de pierre ? Mais je n'ai jamais vu ce temple de ma vie et je n'ai donc aucune pierre de ce genre. Vous vous trompez puissant Merzaq et devez me confondre avec une autre Dryade.

N'en sois pas si sure jeune Antigone ! Tu possèdes cette pierre sans en avoir conscience dans ta précieuse collection. Elle est camouflée parmi les pierres lumineuses que tu as ramassés. Celle-là même qui éclairent les couloirs de ce temple.

Tout en étirant ces ailes, le dragon poursuivit

Maintenant si tu racontais à Sihat l'histoire de ton peuple.

La jeune Dryade eut du mal à déglutir lorsque le dragon eut achevé sa phrase. Elle une jeune dryade, raconter l'histoire de son peuple à deux êtres qui avaient surement transcendés histoire et monde. Elle qui avait surement entendu une histoire qui avait due être déformée au fil du temps. Elle prit néanmoins son courage à deux mains et dit :

Eh bien il n'y a pas vraiment grand chose à dire pour faire court, nous vénérions les trois déesses de notre panthéon : Drymeras, Nayares et Ouranis. Nous vivions en paix, faisions de grandes fêtes et célébrions la vie jusqu'aux jours ou les prêtresses qui vénéraient notre panthéon ont décidé de se battre pour savoir qui devait être la plus importante. Au début cela n'avait pas beaucoup d'incidence mais ensuite elle forcèrent notre peuple à choisir une voie de vénération ou à mourir en hérétique. Bref c'est là que nous nous sommes toutes liées à un élément s'en sont suivis la guerre et l'isolement forcé entre les différentes factions. Mais une chose m'intrigue, Sihat semblait faire partie intégrante de notre culture alors pourquoi aucune histoire n'en fait mention ?

Antigone se mit à réfléchir longuement devant Merzaq puis dit :

Peut être que les clergés de l'époque ont voulu supprimer Sihat car elle en étaient jalouses et le considéraient comme un obstacle à leur règne sur le peuple Naeva. Mais alors elles ont déformé la parole de nos déesses pour leur propre usage ? Ça paraît insensé mais c'est la seule conclusion logique.

Antigone venait de comprendre la triste vérité sur son peuple par elle-même. SI le dragon ne l'avait pas poussé à réfléchir. Si Sihat n'était pas entré dans sa vie, elle ne s'en serait jamais doutée et aurait continué à agir comme une bonne petite servante. Lorsque la réflexion d'Antigone prit fin, Merzaq rit et dit :

La jeune dryade ouvre enfin les yeux, il était temps !

Sihat avait à présent retrouvé son énergie à l'état qu'il connaissait depuis sa sortie de cage. Bien moindre que ce qu'il avait pu connaitre par le passé. Néanmoins, l'idée même de devoir réapprendre à vivre dans un univers qui avait plus que changé malgré le temps qu'il y avait investi au cours de sa vie le laisser dubitatif.

Le fait que la plupart des peuples étaient séparés, oubliés, contrôlés voir bien d'autres mots pouvant expliquer une intervention douteuse de personnes toutes aussi douteuses le perturbait encore plus. Ainsi, apprendre l'histoire des Naevas lui fit même oublier sa recherche de la pierre qu'il était venu chercher ici.

Et vous avez laissé faire ça ! Pour combien d'autres peuples ? Combien de peuples avez-vous détruit par votre inaction à arrêter les Tra'emors ?

Sihat s'était avancé sur le promontoire, devançant par là-même la dryade.

Demande-leur Merzaq. Demande-leur combien ils en ont détruit par leur inaction ! Tu n'as pas vu la Guerre, tu n'as pas vu les ravages et les abominations que Mère m'a montré.

D'un index accusateur, l'Ancien désigna le dragon.

Tel les autres Prophètes, tu es resté dissimulé à l'endroit que je t'avais bien trop généreusement alloué. Tu as réduit au Parsten les habitants de cette ville alors qu'ils t'avaient accueilli comme un Porte-Parole des Emorstiems.

Sihat laissa son bras retombé, déplaçant son regard du dragon à la ville qu'il surplombait, vide de vie mais toujours intacte comme si une magie le protégeait du temps et de l'abandon... Enfin, il porta le regard sur la Dryade qui semblait plus perdue qu'autre chose.

Je vais réparer les erreurs de mes frères et soeurs, Dryade. Je t'en donne ma parole.

Et l'Ancien tenait toujours parole, peut-être un défaut en fonction des circonstances. Mais peu nombreux étaient ceux qui pouvaient prétendre avoir l'honneur d'une telle chose. Un sourire se dessina sur le visage de Sihat qui commençait doucement à s'évaporer dans sa forme d'énergie. Avant que ce changement ne soit totalement achevé, il laissa un dernier mot s'échapper de ses lèvres à l'attention d'Antigone.

Cours.

A la suite de cet unique avertissement, l'Anci'emor se dirigea à pleine vitesse vers le Dragon prenant une forme plus tangible à mesure qu'il approchait de sa cible : une forme draconique bien plus imposante que celle de Merzaq.

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Sihat semblait bien perplexe après qu'Antigone lui ait raconté l'histoire de son peuple et fait part de ses propres réflexions. Puis sa perplexité se transforma en colère à l'encontre du dragon. Sihat lui reprocha entre autre de n'avoir rien fait pour empêcher les désastres et de ne pas avoir bouger son gros cul quand la guerre faisait rage. Sa colère était compréhensible pour Antigone, elle ne comprenais certes pas tous les enjeux n'ayant pas vécu aussi longtemps que Sihat et Merzaq mais pour elle Sihat semblait digne de respect et sa colère justifiée.

Sihat se retourna ensuite vers Antigone promettant qu'il réparerait les erreurs de ses frères et sœurs, puis il se passa une chose à nouveau inattendue. Combien d'évènements inattendus aujourd'hui déjà ? quatre, cinq ? En tout cas le spectacle allait être au rendez-vous. Devant les yeux d'Antigone, Sihat commença à prendre une autre forme et n'eut qu'un mot pour la Dryade :

Cours.

Antigone ne se fit pas prier et commença à trotter dans les couloirs souterrains du temple, espérant qu'elle retrouverait la sortie. Puis il y eut des grondements, des rugissements et surtout le temple qui commençait à s'écrouler. Antigone ignorait ce qui se passait entre Sihat et Merzaq et vu les bruits qu'on entendait au loin et les secousses qui faisaient s'écrouler de nombreux gravats dans les couloirs du temple ; elle n'avait vraiment pas envie de savoir.

Un si beau temple contenant probablement l'histoire de l'origine et des prémices de son peuple, et bientôt il n'en resterait que des ruines. Mais pas le temps de s'apitoyer, elle devait trouver la sortie. Alors qu'elle reconnaissait la salle ou Sihat avait cherché la mystérieuse pierre, l'une des pattes d'Antigone s'enfonça dans un trou et fut bloqué par un amas de gravats de jadéite. Elle était coincée.

Elle essaya de tirer, de se débattre mais elle n'y arrivait pas. Les larmes commencèrent à monter sur ses joues alors que le temple semblait de plus en plus instable. Elle avait peur de mourir, peur de ne pas s'en sortir. Mais alors qu'elle se croyait perdue et déjà morte, une lueur brilla dans le chaos : la lance Naeva. Antigone l'avait faite tomber et ne s'en était pas aperçue. Elle la ramassa vite et s'en servit comme d'un levier pour éjecter les gravats et libérer sa patte. Elle y parvint après plusieurs efforts et juste à temps car des tronçons entiers du temple s'effondrèrent là ou elle se tenait quelques secondes plus tôt. Elle galopa jusqu’à la sortie le plus rapidement possible et respira l'air frais de l'extérieur, elle se retourna et vit le temple s'écrouler sous les secousses. Sihat était-il en vie, avait-il réussi à vaincre Merzaq comme elle le supposait ? Elle pria Drymeras de toutes ses forces, espérant au plus profond d'elle que Sihat s'en sortirait.

Une.

La dryade avait quitté la ville souterraine. Merzaq commençait juste à se redresser alors que Sihat était déjà sur lui, planter des crocs de la longueur d'un bras dans la gorge recouverte d'écaille du véritable dragon.

Deux.

Merzaq tenta bien maladroitement de se dégager de l'emprise de l'Ancien pour finalement chuter avec lui dans les ruines de la ville entrain de s'effondrer sur elles-même. Mais l'effet de surprise avait fait son oeuvre et le dragon noir perdait rapidement sa vitalité par la morsure qu'il avait subi.
Sihat s'était redressé depuis un moment alors que Merzaq commençait tout juste à retrouver un équilibre encore précaire.

Trois.

Le choc. Un soubresaut du dragon lorsqu'il comprit que Sihat s'était infiltré dans son corps par l'ouverture créée. Tout était fini et ils le savaient l'un comme l'autre.

Bien plus tard, alors que toute la ville était arrivée à l'état qu'elle aurait dû connaitre sans la présence du Dragon et que le temple qui la surplombait s'était effondré sur lui même, ne laissant qu'un amas de ruines plus ou moins visitable, Sihat se laissa aller aux souvenirs qu'il avait de cette forêt et des nombreuses choses qu'il y avait vécu. Ce furent ces souvenirs qui le poussèrent à se décider de ce qu'il ferait subir à la Dryade devant qui il apparut d'ailleurs comme il avait disparu un peu plus tôt.

Nous devons parler avant que je ne retourne à mes affaires, Naeva.

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Lorsque Sihat se matérialisa devant Antigone en pleine prière, Antigone poussa un soupir de soulagement. Elle était contente qu'il s'en soit sorti. Bien entendu Sihat avait essayé de la tuer une demi-heure plus tôt mais ça devait être son caractère hélas ; elle pouvait difficilement le blâmer ou le juger pour sa perte de contrôle alors qu'elle-même en faisait les frais lorsque qu'une personne voulait du mal à sa forêt

Le dragon, il est mort ? Vous l'avez tué n'est ce pas ?

Sihat ne répondit pas mais c'est peut être parce que la réponse semblait évidente. La lueur qu'il avait eu dans le regard au moment de se jeter sur le dragon voulait bien dire qu'il n'y aurait qu'un seul survivants. Finalement Sihat lui adressa la parole :

Nous devons parler avant que je ne retourne à mes affaires, Naeva.

Antigone se demandait de quelles affaires Sihat voulait parler mais elle ne lui posa pas la question. Antigone ne voulait en aucun cas être trop curieuse en particulier sur les affaires privées de Sihat.

Dans ce cas, pouvons-nous aller chez moi ? Ce n'est pas loin d'ici. Venez je vais vous montrer le chemin.

La Dryade semblait vouloir prolonger leur entretien. Les plans de Sihat était pourtant tout autre. L'énergie nouvellement acquise pourrait lui permettre de dominer rapidement le monde, laissant ainsi les humains une nouvelle fois à sa merci bouillonnée en lui, Merzaq avait passé bien trop longtemps sous terre pour se souvenir de ce qu'était le réel pouvoir.

Nous n'en avons pas le temps, Antigone. Je ne suis revenu vers toi que pour t'offrir ce que, jadis, j'ai offert à tes ancêtres.

Il s'approcha d'Antigone, l'évolution des Naevas était assez proche de ce qu'il avait fait subir à leurs frères. Cette constatation lui tira un sourire avant qu'il ne plonge son regard dans celui de la Dryade.

Jusqu'à ce que je revienne la chercher, tu devras protéger la Pierre Val'nok. Je dois préparer le retour de Melenos avant de l'appeler.

Il savait qu'il n'aurait qu'une chance avant de la faire revenir à sa place originelle. Il ne pourrait pas faire marche arrière, aucun risque ne devrait donc être pris, spécialement à l'aube d'une nouvelle guerre.

J'ai un dernier don pour toi : une restauration. Celle de ta forêt ou du temple relatant l'histoire de ton peuple. Tu devras choisir rapidement si tu ne veux pas perdre ce don mais je ne peux faire ce choix à ta place, Antigone.

Et alors, Sihat déposa ses lèvres sur celles de la Dryade afin de faire passer la partie nécessaire de son pouvoir à ce qu'il venait d'offrir à Antigone. Et il partit, comme il était venu au début de la journée, sans même un "au revoir" à la jeune femme.

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Malgré la proposition d'Antigone, Sihat n'avait pas le temps de rester pour bavarder. Cependant avant de repartir vers une destination inconnue, il comptait offrir une dernière chose à Antigone. Après lui avoir investi la mission de veiller sur la fameuse pierre qui était selon lui liée à une deuxième lune existant auparavant, ce que bien entendu elle se promettait de faire, Sihat lui dit :

J'ai un dernier don pour toi : une restauration. Celle de ta forêt ou du temple relatant l'histoire de ton peuple. Tu devras choisir rapidement si tu ne veux pas perdre ce don mais je ne peux faire ce choix à ta place, Antigone.

Puis sur ces mots, Sihat embrassa Antigone et elle se sentit comme investi d'une puissante énergie magique. Le bout des oreilles d'Antigone devint rouge après ce baiser et elle mit un peu de temps avant de retrouver ses esprits. Puis Sihat s'en alla sans un mot, sans un geste, exactement de la même manière qu'il était venu le matin.

Antigone regarda les paumes de ses mains, celles-ci brillaient légèrement. Que choisir ? La forêt ou le temple ? Un dilemme s'offrait à la jeune Dryade, mais elle devait choisir vite car le don que lui avait offert Sihat disparaîtrait pour de bon en cas d'inaction totale de sa part. Finalement elle se dirigea vers les ruines de temples, leva la main et la posa sur l'un des arbres qui était à l'agonie depuis si longtemps. Elle réussit à lui transmettre son énergie et finalement cet arbre qu'elle croyait perdu retrouva ses couleurs et sa vitalité. Mais le miracle ne s'arrêta pas là, l'énergie continua de se diffuser à travers les racines et la terre. Et bientôt tous les arbres qui avaient été victimes de l'incendie, de maladie ou de la corruption du temple furent sauvés mais fait encore bien plus étonnant les arbres s'étendaient au delà de la zone qu’avait défini les humains et Antigone vit le poste de garde de sa chère amie Elza qui était à l'orée de la forêt se retrouver noyé sous une colonie de pins.Elle allait avoir une drôle de surprise au réveil. Pour Antigone la forêt, sa forêt, n'avait jamais été aussi belle auparavant. Antigone contempla son œuvre avec satisfaction, elle voyait les ruines du temple envahi par la faune et la flore de la forêt. Pour elle l'important ce n'était pas ce que les Naevas avaient été par le passé mais ce qu'elles deviendraient dans un futur proche.

Lors que le soleil commença à se coucher, Antigone monta sur le point le plus haut du parc et regarda vers l'horizon. La peur, le doute, la culpabilité de ces derniers jours s'étaient évanouis elle se sentait véritablement libre. Là elle prononça ces mots pour exprimer sa liberté retrouvée:

Je suis Naeva !

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